A quoi ressemble Weezer? A ce qu’il a toujours été: un groupe emblématique d’une Power Pop prête à être dégoupillée au milieu de n’importe quel campus d’outre-Atlantique.
Sauf qu’avec eux, il n’y avait pas que les membres de l’équipe de foot qui pouvaient recueillir les cheerleaders se pâmant à son écoute, l’indie-kid avait aussi sa chance… Après des années d’absence, de doute et d’occupations annexes, le groupe de Rivers Cuomo parvient-il a distiller le même charme qu’à ses débuts ? Pas vraiment…
Aussi bien l’environnement que l’impact même de leur musique ont changé. Autant en 94, le “Blue Album” maniait avec drôlerie ce cliché estudiantin, faisant même avec dextérité du bouche-à-bouche au rêve musical américain (celui-ci avait terminé quelques semaines plus tôt éparpillé sur le mur d’une maison de la banlieue de Seattle), autant ce “Green Album” risque d’être rapidement prémaché et resservi par MTV, avec les autres groupes potaches et pseudo-punk qui triomphent sur son antenne…
Pas de détails pour la chaîne musicale qui s’appuiera volontiers sur la teneur plus convenue de cet album. On n’oubliera pas néanmoins que leur premier effort était un vrai petit chef d’oeuvre, offrant avec intelligence, roublardise et savoir-faire un condensé admirablement dosé de Pop 60’s et de New Wave à l’américaine, le tout passé consciencieusement à la moulinette Grunge (non-courant qu’ils avaient choisi d’enterrer dans la joie et la bonne humeur). Rivers Cuomo était ensuite retourné étudier au berceau des Simpsons, Harvard, tandis que Matt Sharp avait monté les délicieux Rentals (qui allaient finir par l’occuper à plein temps dès la fin 96) en compagnie de Petra Haden des regrettés That Dog.
Tout le monde s’était finalement retrouvé derrière le leader maximo et sous la houlette de Dave Fridmann pour accoucher en 96 de “Pinkerton”, un album un peu moins attachant, parce que sans doute plus viscéral et moins Pop, qui alternait très bons moments dynamiques et phases de surplace. C’est un peu le constat à dresser pour le petit nouveau, à ceci près que, comme le suggèrent son titre éponyme, le retour de Ric Ocasek (The Cars) à la production ou l’unique couleur arborée par la pochette, Weezer tente de retrouver sa concision et son insouciance passées.
Ce qui pourrait poser problème: au-delà la date de péremption, un groupe pris en adoration par les college radios risque fort de passer pour une triste bande d’ados attardés.
Cet écueil est évité de justesse. Mais on sent que le groupe met nettement moins de distance entre son image et sa musique. Il faut dire que la production “larger than life” n’aide pas. Et si, incontestablement, Cuomo excelle pour l’écriture de ces petites ritournelles morveuses, si le songwriting est solide comme du roc, ces titres donnent l’impression de relever d’un mode opératoire très balisé.
Plus qu’un album américain, le “Green Album” semble être fait pour les américains (leur marché). On regarde les titres défiler comme des majorettes, on est parfois agacé par quelques gimmicks systématiques (les “hou hou” de Photograph, que l’on retrouve en plusieurs occasions), certaines mélodies en font trop (Smile), après plusieurs passages d’autres finissent par taper l’incruste (le single Hash Pipe, Island in the Sun et surtout Crab) mais aucune n’est réellement décisive.
Pas la peine de chercher un nouveau Undone – The Sweater Song, un Say It Ain’t So. Sans doute la fantaisie de Matt Sharp manque-t-elle une nouvelle fois. Et peut-être, après une telle absence, Weezer n’a-t-il pu que se sentir tributaire d’une image qu’ils n’ont pas osé remettre en cause, allant même jusqu’à la vulgariser.
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